27.12.08

Les mains vides

Je suis d'une humeur à me taper la tête contre les murs. Il faut que j'oublie Noël, les bulles et toute la fatigue accumulée, le soir où je me suis endormie sur le canapé et réveillée toute seule à 2h du matin, la Nuit de Noël à attendre son retour, la belle nuit de Noël avec vue sur les fênetres éclairées des voisins.
Il faut que j'oublie, que je bouge et je reste là, à attendre encore, encore, encore, à attendre toujours plus, à attendre un cadeau qui ne viendra pas, à attendre qu'il choisisse quelque chose pour moi, à attendre qu'on vienne me chercher, et qu'on m'emmène loin, qu'on me pose ailleurs, à attendre de me réveiller dans un autre lit, à attendre de finir par crier devant l'impasse.

A attendre que ça passe.

22.12.08

"Alexander Supertramp"

Ce lundi matin a quelque chose de pathétique. J'ai été chez le médecin, prétendu que je vomissais depuis deux jours et obtenu deux jours d'arrêt maladie. Je retournerai bosser le 24.

J'aime bien mon mec. Le samedi soir, il joue au billard avec son pote-collègue, Hartmut, un mec de cinquante ans célibataire sans enfants avec un air de mec qui râle tout le temps. Mais Hartmut, à force, il m'aime bien. Et moi aussi je l'aime bien. J'aime bien mon mec parce qu'il râle quand je joue comme une merde au billard, quand je fais pas attention, et qu'il me laisse pas gagner, qu'il reconnaîtra jamais que c'était un joli coup, celui-là, mais que je sens que de l'autre bout de la table il me souhaite très fort de rentrer la "Kugel" du premier coup.

Dimanche, il faisait nuit quand on a émergés. J'ai jamais aimé faire la sieste, et surtout pas pour se réveiller quand il fait déjà nuit. Surtout pas un dimanche. Mais à deux, c'est différent, evidemment. J'avais un air de chanson dans la tête ("on fera tout ce qu'on trouve nul quand on doit le faire tout seul, comme se balader le dimanche, et puis boire du tilleuil"). Je pensais presque plus à Noël.

(Je crois que j'avais fini par oublier qu'on était le 21 décembre. Parce que même si je suis une amoureuse phobique des dates, cette date-là n'est pas la mienne. C'est pas moi qui ai entendu la porte claquer ce jour-là, il y a deux ans, c'est pas moi qu'on a laissée, c'est pas mes rêves qu'on a brisés. Et le 21 décembre, l'histoire ne s'est pas répétée, personne n'a quitté personne, on a défait des cartons et balayé des tonnes de poussière.)

Dans la Maison, en face, il y a une nouvelle voisine, qui a peint ses murs en bleu. En bleu roy, bien franc. Il y a de jolies photos encadrées posées par terre, qui attendent d'être accrochées. Ca respire les commencements. Et, accoudée à la fenêtre une clope à la main, j'enviais la nouvelle voisine. Je me disais que peut-être elle allait rencontrer B. elle aussi, qu'il lui ferait découvrir Berlin, qu'il lui parlerait de l'histoire de la Maison et que peu à peu elle découvrirait tout ça, cette atmosphère et ces gens. Je l'enviais. Il m'a fallu un moment pour me sentir nulle. Hey, ça t'es déjà arrivé, à toi, ça. C'est bon, c'est fait.

J'aimerais bien pouvoir entrer dans l'avenir, dans le mien si possible. Comme j'aimerais. C'est peut-être pour ça, mes envies d'emmenagement, mes envies de...J'aurais besoin d'arrêter les coups de fil à minuit, après une soirée ailleurs, les "tu fais quoi, là?", les "je peux venir". J'aurais besoin d'être là et que ce ne soit plus discutable, histoire de passer à autre chose, histoire de ne plus sentir le besoin, d'avoir l'esprit libéré de ça, au moins.

J'aurais besoin d'une nouvelle ère.

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Mais j'ai préféré crever l'abcès. Parfois, je suis comme ça, aussi. J'en suis fatiguée de mes attentes, de mes envies. Je me suis souvenue que devant la chambre Bleue j'ai pensé que, même si j'habitais vraiment dans la Maison, je l'envierais quand même, ce bleu aux murs.

J'ai passé un coup de fil, laissé passer mes silences et collé des mots sur. Pour déclarer la période de cristallisation immobilière close.

C'est pas une vie de couple qu'il me faut, c'est de nouvelles couleurs.

18.12.08

cette fois

Dimanche emballer les assiettes dans du papier journal, les tableaux dans du papier bulle. Dormir sur le matelas au milieu de la chambre vide. Lundi se lever tôt pour accueillir les déménageurs. Dire dix fois que ça va aller, qu'il faut pas s'énerver. Mercredi nettoyer une cuisine et les vitres debout sur le plan de travail. Dîner au milieu des cartons, chercher une fourchette tout au fond. Encore un matelas face à la fenêtre, avec vue sur les échafaudages.

On aurait pu croire que moi aussi je déménageais.

Quand je suis entrée pour la première fois depuis la fin de l'époque précédente dans la Maison "rénovée", il y a une centaine de souvenirs qui m'a assaillie. Dans la cour, à l'emplacement du m*nibar, c'est maintenant un duplex. Avec des balcons très moches en alu, ceux qu'on voit partout. Evidemment la peinture de la façade qui donne sur la rue a été effacée, elle aussi. "Sanierung".

En montant les escaliers, il a fallu que je m'accroche un peu à la rampe. J'ai eu du mal à reconnaître l'appartement. Je me suis souvenue que j'avais commencé à aimer les cuisines à Berlin, enfin dans cette maison. On a mangé rapidement avec ce qu'on pouvait trouver sans tout déballer. Là, une vague de tristesse, à la regarder dans sa cuisine à laquelle il ne voulait surtout pas qu'on touche, finalement réduite de moitié. A le voir au milieu de ces nouvelles pièces, au milieu du bordel, sans savoir par quoi commencer. A remarquer le canapé défait campé exactement face à la fenêtre, comme pour s'habituer.

J'ai arrêté d'avoir peur à cause du retour dans la Maison. J'ai arrêté d'être supersticieuse, de croire que les six derniers mois dans le petit nid sous les toits allaient s'effacer d'un seul coup. Que tout allait redevenir comme "avant", comme quand je ne pouvais pas l'aider, comme quand je ne pouvais pas lui dire "le plus dur est passé, ça va aller".

Tout change...





14.12.08

chenille

Je suis super fatiguée. Hier soir je l'ai aidé à finir ses cartons et la dernière nuit pour moi dans cet appartement sous les toits. C'est bizarre, de devoir tout emballer, pour, deux jours plus tard, recommencer.
Et moi j'aimerais bien, aussi, me ranger.

Je suis fatiguée. Un dimanche à boire du café dans les gobelets en carton, une matinée un peu hors du temps.

Des livres à lire, des (surtout un) mail(s) à écrire, des bonnes résolutions à prendre peut-être en avance, et toujours tellement de choses qu'il faudrait savoir se proposer.

(space oddity : ici + ici)

8.12.08

"and you see me with somebody new"

Ce n'était pas au même endroit, et peut-être pas tout à fait aussi classe. Pas aussi impressionnant non plus la deuxième fois. N'empêche que dans ma robe à paillettes je frisonnais autant de froid que d'angoisse -de trac- en attendant l'ouverture des portes avec S.

J est déjà entré, par l'autre porte, puisque ce soir il travaille. Les quelques visages connus que je croise me font moins d'effet que prévu, et quand quelqu'un me demande où j'étais passé tout ce temps, je réponds 'versteckt' (cachée) sans savoir ce que j'entends par là.

J'entre avec S chargée de ses appareils photos dans la salle de jeux. Autour des grandes tables, on ne voit que des têtes baissées, et des bras qui se lèvent au hasard des chiffres, parfois le reflet brillant des robes des filles.

Derrière le rideau doré, j'aperçois de justesse son sourire qui ne me voit pas. Juste devant l'orchestre. Je le regarde longtemps et je ne fais pas attention à qui pourrait me regarder, moi. Je le regarde distribuer des cartes, l'air heureux, un peu. Derrière le rideau et juste devant l'orchestre, il y a seulement ce qui occupe mes pensées depuis un an. Il est beau, concentré, inaccessible.

Ca m'échappe.

Je n'ai pas envie de boire. J'ai envie d'être très consciente de ce moment. Et je regarde, longtemps, et avant les larmes aux yeux, je détourne la tête.

Entre 3 et 5, l'heure à laquelle, scientifiquement, le corps et l'esprit sont le plus fatigués, je croise quelqu'un devant le miroir des toilettes et pendant que je rougis un peu mes joues, elle me dit bonjour le plus ironiquement du monde, avec un petit sourire "il fallait evidemment que je tombe sur toi". Je n'en pense pas moins, la fille restée plus longtemps que moi dans la cuisine de l'an passé. Je danse avec B et surprend, mais une seule fois, le visage de l'Ex, j'écoute S me parler comme d'habitude de la même personne, je ne bois toujours pas beaucoup, j'attends. Longtemps je reste assise sur le canapé où je fixe le groupe sur la scène, et je pense aux "fragments d'un discours amoureux". 

Celui qui aime c'est celui qui attend.

Il est 4h30 et j'attends la fermeture des salles de jeux. Jusqu'à ce qu'il vienne me chercher et qu'il m'embrasse, et qu'il me demande 'ça va, quand même'.

Dans la grande salle, sur les fauteuils de salles de cinéma, des visages pas croisés depuis le m*nibar, et ceux qui me regardent à côté de lui avec un air un peu narquois au coin de l'oeil, la petite jeunette qui débarque et ne sait pas où elle met les pieds. Seulement j'ai maintenant pour moi suffisamment de choses, suffisamment de larmes et de joies pour défier leur regard. Même si j'entends les soupirs derrière mon dos.

Dans la petite salle du devant on n'est plus très nombreux et la fille restée plus tard que moi dans la cuisine est là aussi. Et J danse un peu avec elle et je ne sais pas si comme les autres j'ai le droit de remarquer qu'elle enchaîne les shoots de vodka sur la table. Un an après. Quand il me cherche du regard et qu'il m'enlace et qu'on rit ensemble, et que je pense très fort, un an après, "on y va", oui on rentre se coucher, et dans la voiture de S. il fait déjà jour.

3.12.08

"i’d really like a small part of it"

M. vient de passer avec des bières, et on a reparlé du film, et l'orange, symbole de ma frustration, s'éloigne doucement, s'éloigne avec cette ville, avec ces projets, avec les sourires, avec le clavier sur lequel mes doigts courent vite.
Je ne sais pas si j'ai un jour désiré autre chose que l'urgence.
Une vie pleine de précipices, même si j'ai moins envie d'y plonger tête baissée. Mon instinct de conservation fait son chemin et parfois je me sens moins à découvert, même si je regrette de n'être plus autant, de n'être plus aussi à vif qu'avant.
Tout est relatif. TOUT est relatif. Comme la joie que J m'invite à cette soirée, cette soirée-là précisément, celle où je suis tombée amoureuse, celle où je n'aurais jamais pensé qu'un an après je serais sa cavalière, et que peut-être je le forcerais à danser, que je le forcerais à rentrer dans mon monde à moi, cette fois avec l'envie à en crever de coller ma bouche à la sienne, bref.
Et depuis samedi devant cette crèche idiote le manque me fait un joli monde à moi, même si je n'ai ai osé te dire que en bas de ton ancien appartement, les magasins ont fermé, tu sais, et que l'at*ac où on allait acheter du gin fizz tout préparé et des chanterelles à en rire à en pleurer, fermé, lui aussi.
Sans bien savoir pourquoi, j'ai envie d'écrire à la copine de mon frère, cette fille-là qui pèse 45 kilos et non plus 36 et qui avec ces milliers de gramme en plus lui fait prononcer des phrases comme 'elle va mieux, je crois, je suis content'.
Même si j'ai oublié dans l'appareil les photos que j'ai faites de lui un samedi matin, au dixième étage d'une tour pluvieuse.
Et rien d'autre que the organ.