29.8.08

#20 noter

Ca ne m'était pas arrivé depuis longtemps d'arriver au boulot après 2h de sommeil et d'avoir envie de glousser aux remarques sur ma nuit qui a du être courte. Juste en savourant le contraste avec les matins où mes cernes masquaient des larmes plutôt que des étreintes/du vin/pas mal de jolies choses.
(Ce matin dans le train je dormais avec mon café à la main et un mec du travail qui passait par là m'a réveillée au terminus. Comme il y a des travaux à Potsdam et plus de tram, on a droit à un bus spécial travail, un bus de ramassage scolaire, c'est très spécial comme atmosphère, je dois dire que je ne déteste pas, un peu l'impression d'aller travailler à la mine en pleine nuit quand même, à cause des bus qui dans ma ville natale emmènent les ouvriers des 3-8 à l'usine; dans le bus les Italiennes se montrent des vidéos de leurs dernières virées en boîte)
On dirait pas comme ça mais il y a de plus en plus de gens que j'apprécie là-bas. Tant qu'on y est : l'équipe française va déménager, je vais travailler à 10 minutes de chez moi très bientôt. Plus de train, plus de réveil à 5h30. Et j'ai gagné le ticket d'or, trois jours de tranquilité absolue la semaine prochaine à tester le nouvel endroit. C'est bien la première fois que je suis presque gênée par les faveurs d'un de mes supérieurs (Gummibärchen-boy), qui m'a "choisie" pour cette délicate affaire. (tu parles)
Pendant ce temps, à Ladyland, D. raconte son histoire berlinoise ou comment elle a claqué la porte au nez la veille au salaud-type menteur infidèle immature. Me dit de me méfier, moi. Et j'entends rien, parce que je ne suis pas concernée.
De toute façon, J est étrange ces temps-ci, à accepter ma présence insistante, à la solliciter même en présence des autres. A se comporter normalement : comme un vendredi soir où je l'appelerais juste pour entendre sa voix, où il serait en train de boire un verre quelque part, où il me dirait avec qui parce que bien sûr je ne pose jamais la question, où je sentirais dans sa voix que tout va aussi bien que quand je l'ai laissé ce matin dans son lit, un oreiller sous ses cheveux doux et un autre serré contre lui. (comme toujours)
Chloé s'en va bientôt, D. aussi et finalement je ne l'ai vue qu'une fois en un an; je reste là, me sentant presque chez moi, dans la peau de celle qui commence à comprendre qu'elle ne rentrera pas.

27.8.08

#19 coincer





J'ai récupéré mon vélo cet après-midi et pour la première fois j'ai vu des endroits qui n'étaient que des stations de métro. Avec le vent qui séchait les gouttes de sueur dans mon cou. La dernière fois que je suis montée sur ce vélo, je crois bien que c'était le dernier soir à Strasbourg, quand je suis allée rendre les clés de mon appartement, après les adieux de Clément.
Sur le chemin, j'attendais le message qui demanderait pourquoi je pleurais quand je suis partie sur mon beau vélo rose rescapée d'une année dehors à Paris. (je ne sais pas)
Je mets sa patience à l'épreuve, sciemment.
Dans mes tentatives de l'inciter à s'ouvrir, je suis maladroite. A table, je me suis énervée pour la première fois, en découvrant au passage que je peux accepter beaucoup mais que quelque chose n'est pas négociable. J'ai besoin d'un soutien. Et je ne me laisserai pas me débattre dans mes envies, mes efforts, mes découragements et mes lubies alors que j'ai quelqu'un, là, près de moi prêt à me caresser les cheveux à la moindre larme. Prêt à rompre le silence et à céder quand c'est moi qui m'éclipse sur la terrasse. Près. Et loin.
Je voudrais qu'il ouvre la bouche.
(Je voudrais que tu arrêtes de te cacher.)

25.8.08

#18 lâcher (?)






En fait ce que j'aurais du faire ce matin, quand mon téléphone a sonné à 8h25, et que c'était la responsable RH, parce que j'avais 20 minutes de retard, c'est dire : FUCK YOU.

("l'esprit de l'escalier")

C'est marrant, je ne la connaissais pas cette expression. C'était sur une page de livre miniature à l'expo Barbara Bloom, hier.

J'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup aimé. Et j'aime encore plus le fait qu'elle n'ait pas de site web, et qu'il soit impossible de trouver plus de trois photos de ses oeuvres sur le net.

(entre autres : épingler des phrases de Nabokov dans un cadre comme si c'était des papillons; collectionner les livres et les objets en braille; commercialiser une ligne d'objets avec partout son nom en feuilles d'or; créer des affiches absolument géniales.)

C'est bien la première fois que je visite une exposition dans laquelle je voudrais vivre.

Peut-être qu'il me suffirait de posséder cette affiche intitulée : Planned abandon.
(photo noir et blanc encadrée de vert d'eau, des personnages qui descendent d'un avion sur une piste d'atterissage : il me la faut, j'en ai même rêvé cette nuit).

23.8.08

#17 gâcher

Je me disais bien aussi. Fallait vraiment que (presque) tout aille bien pour que je me mette à devenir chiante. A débarquer avec ma mauvaise humeur alors qu'il était heureux de me voir, à m'énerver de ses blagues qui me font bien rire pourtant, d'habitude. A briser son enthousiasme en le repoussant, quand je le retrouve ce lendemain de fête, avec les mêmes fringues que la veille dans son appartement sans dessus dessous, forcément fatigué. Suspicieuse.

Chez lui, les dîners obéissent à certains rites. Faire la cuisine pendant des heures, s'attacher à ce que tout soit parfait. Je savais qu'il y aurait beaucoup de monde, je savais que je n'allais pas forcément me sentir à l'aise, mais après tout c'était la première fois qu'il m'invitait pour de bon.

Elle s'appelle K., 30 ans et des poussières, elle a tout vu tout lu tout vécu. Allemande, elle parle un français parfait après 15 ans passés à Paris. Déjà croisée dans une soirée, elle a l'air de bien m'aimer, tellement que ce sera elle, puisqu'il en faut une, qui dira "ça va pas, t'as l'air un peu tendue". Elle m'écrase.

J'ai conscience de n'être à la hauteur de rien en ce moment. En premier lieu de ce que j'attends de moi. Au milieu de tous ces gens, je me débats entre ma cigarette, mon verre de vin, l'envie de partir et celle de me retrouver dans les bras de J. Seuls.

Avec l'envie de lui dire qu'il n'a pas vu la meilleure partie. Que je vais la lui montrer. Mais quand?


!


//edit : comment mes lacunes en allemand commencent à (vraiment) me jouer des tours. Cet après-midi, restée seule chez J ac mon laptop, supposée "travailler", je suis interrompue en plein épisode 5.3 de The L Word par la sonnerie de son téléphone. Une voix féminine emplit la pièce via le répondeur : la fameuse K. 30 minutes plus tard, 3 coups de téléphone et beaucoup de larmes plus tard, J me force à réécouter son message. Pour me prouver que : 1) non elle ne le remerciait pas pour une "délicieuse" nuit mais pour l'avoir invitée à dîner l'autre soir; 2)il faut vraiment que je me mette à l'allemand. Je suis : ridicule (mais pardonnée). (n'empêche qu'elle m'énerve, celle-là)

Au passage : mais depuis quand je suis jalouse, MOI? (d'autant plus que le sujet ayant été mis à plat récemment, il semblerait bien que je sois bel et bien la seule à partager son lit depuis 9 mois)

20.8.08

#16 permettre

Il pleut sur berlin; c'est bien.

J'échaffaude des théories de conquête du monde dans les trains et des stratégies pour ne plus´dormir chaque soir . Je suis amoureuse. J'emprunte des livres; je fais découvrir hervé guibert à chloé. J'ai rappelé justin l'australien et promis d'être claire sur ma "situation". J'ai accepté des invitations et proposé des verres en terrasse. J'écris un peu. Je parle avec mon frère au téléphone. J'envisage sereinement la possibilité de quitter berlin (un jour) pour passer un diplôme quelconque en france - quitter berlin pour y revenir. J'espère des visites prochaines. Je mange des pains au chocolat aux galeries lafaye*te - c'est tellement classe. Je souris aux "dis donc, ca te réussit les vacances, tu as l'air super détendue"au boulot. J'ai décidé que je pouvais avoir un boulot de merde et être pleine d'espoir. J'ai décidé que je pouvais être dans l'incertitude et être déterminée. Je fais comme si je ne remarquais pas qu'on n'a encore jamais été aussi bien ensemble, fait comme si tous ces petits changements n'en étaient pas. J'ai réglé ma facture astronomique d'électricité, envoyé des fax, appelé partout, pris rendez-vous. "Je m'en occupe"; ca fait du bien. J'ai retrouvé mon appartement, retrouvé la lumière et l'eau chaude, et apprécié mes soirées canapé tisane, apprécié le calme, le fait d'être seule, d'autant plus qu'il se fait rare. D'autant plus que je ne l'appelle plus solitude.

Ca va. Très bien.

12.8.08

#15 boire

(elle était facile, celle-là)

Je suis bien. J dors pas loin, sur le futon parce que les lits sont trop "dramatiques". Je suis bien. La nuit de berlin tellement belle que je n'ai même pas besoin de sortir sur le balcon pour la sentir, cette ville un peu perdue pour moi déjà usée au bout d'un an, tellement que je rêve de New-York quand l'avion se pose ce soir, au milieu des turbulences qui empêchent les hôtesses de l'air de servir le café, les chips OU le balisto, dans l'avion pris trop souvent cette semaine parce que.

Je suis bien parce que je sais exactement, à l'instant présent, ce que je veux devenir, folle. Folle à parler avec lui de l'enfance et de fil en aiguille de comment il faut élever les enfants, folle de croire que ca n'éveille rien en moi cette conversation sur fond de Lovecats des Cure qui dit que l'argent n'est pas un obstacle, pour avoir des gamins. J'avais prévenu, j'ai un peu bu. (J'ai quelques jours de retard).

Cinglée de croire que ca mène à quelque chose, cette "nouvelle" vie que je me suis choisie, cette vie sans avenir, folle de voir à quel point je m'y habitue : plus d'études, plus d'avenir.Et puis quoi.

Folle de penser qu'un jour j'y arriverai, qu'un jour je trouverai. Folle de penser que je suis sur le chemin de quelque chose. Folle d'être persuadée pourtant que je ne cesserai jamais d'aimer ceux que j'aime en ce moment et depuis quelques années, qu'ils resteront là, qu'ils me pardonneront tout, folle de vouloir être restée cette gamine-là, folle de m'écarter, folle de bifurquer, folle de croire très fort que dans chaque chose banale il y a quelque chose d'exceptionnel

11.8.08

#15 taire

En me forçant un peu, je pourrais trouver les mots pour raconter l'ambiance plus retrouvailles qu'éplorations, pour dire l'étrangeté de tout ça, pour dire comment finalement ça fait quand même mal, pourquoi c'est impossible de ne pas pleurer, etc. Mais à quoi ça avancerait.

Je n'ai plus vraiment envie. De vouloir toujours tout formuler, expliquer, décrypter, comprendre, analyser.

Parce que, tant pis pour le cliché, c'est le genre de moment où un regard, une attitude, une ressemblance, (j'allais dire un "air de famille") vous en apprend plus que les mots. Et tant pis si les relations ne sont pas définies. Personne n'a envie d'être un point sur un schéma, une courbe sur un graphique ou une branche sur un arbre généalogique.

***

(Du côté de la joie, je pourrais aussi dire comment J et moi on a parlé d'avenir. Au milieu de plein d'indéfini.)

***

Je suis fière de nous.

9.8.08

#14 partir

Ma grand-mère est morte, et ce n'est pas un drame, pas une tragédie, c'est juste un peu de douleur égoiste d'avoir à regarder encore un peu d'enfance s'en aller. C'est juste encore un enterrement, un avion à prendre, et la voix de ma mère au téléphone.

Je ne suis rentrée chez moi qu'aujourd'hui, pour découvrir que je n'avais plus d'électricité. Le métro en sens inverse, les six étages : je suis repartie chez J. Ce n'est pas le moment de comprendre que, bientôt, il faudra arrêter de faire comme si.

5.8.08

#13 (un vieux truc)

(Un matin, je suis arrivée en retard au boulot, et on m’a demandé de chanter, en guise de gage.

Debout devant les autres, avec cette conscience du corps qui fait que vous ne le sentez pas. Je n’ai pas pu chanter. Je n’ai pas pu chanter “ma chanson préférée”( au royaume des salaires et des droits amputés les raccourcis vont bon train).

“Ma photo préférée” a été prise quand j’avais 4 ans. Je suis sur un petit vélo à roulettes, vêtue d’un horrible jogging vert, les cheveux déjà incoiffables. J’aimerais que pour toujours mon enfance me laisse ce goût-là, celui de la liberté du corps, celui des regards qui n’accrochent pas sur lui.

Une fois, quelqu’un qui voulait coucher avec moi m’a demandé quel rapport j’entretenais avec mon corps. Je venais de le rencontrer, il était sociologue ou du moins prétendait le devenir (le temps semble lui donner raison), j’étais littéraire tendance amoureuse échevelée, sa question m’a dérangée. Il trouvait que j’étais mal à l’aise, il avait raison, il disait on dirait que tu as peur de l’habiter, ce n’était pas faux. On a couché ensemble, il était impuissant, j’avais envie de lui, ce n’était pas mon “rapport au corps” qui posait problème.

Pourtant je me suis rendue compte que je ne pouvais pas chanter, là, devant les autres.

Que je ne pouvais pas donner ma voix, mes notes fausses.

J’ai vu un petit groupe de gens où chacun portait un mot, tous les mots formaient une phrase d’adieu. Un mec, face au groupe, riait en pleurant. Sur Videotape de Radiohead, c’était très beau de voir ca.

Voilà. C’était trop beau. C’était un clip esthétisant, c’était une scène de film, et moi : la spectatrice. Voilà : je ne touche pas. Je reste au bord. Je reste là et tout le monde bouge. Je regarde et je voudrais qu’on me dise : viens, viens dans notre image. Voilà : je ne touche pas, ne pas salir, ne pas être salie. Voilà : je ne parle pas, ne pas dévoiler, ne pas comprendre.
)


J'ai beau chercher, je ne vois que le mot d'inertie pour décrire l'état dans lequel je me trouve à chaque fois que je suis ici. Note pour plus tard : jamais, plus jamais plus de trois jours dans la maison familiale. Je citerais bien un peu de Barbara pour poétiser l'affaire, mais, vraiment, le coeur n'y est pas. (et voilà comment, sans que rien de particulier ne se passe, on ne peut même plus en appeler à la nostalgie)

4.8.08

#12 veiller

J'ai laissé passer le sommeil. Je regarde les photos de Lyon et j'aime bien ce qui s'en dégage. Cinq heures de train c'était pas si terrible, et puis j'ai eu le temps de lire de lire Technikart, la première partie des Mémoires d'une jeune fille rangée, et de somnoler (en bavant comme il se doit). J'ai même (un peu) écrit. J'ai même essayé d'appeler ce numéro que je ne compose pas depuis dix jours. Comme quoi, avec sa nouvelle coupe funky et son régime biba-aux-germes-d'avoine, avec sa galerie et ses débuts de roman, elle m'a donné envie. Pas forcément de manger des blancs de poulets matin midi soir, mais juste d'essayer, d'essayer de...de se tirer vers le haut. Soi- même. Vu que les autres, parfois, ils sont un peu décevants, un peu frustrants, un peu inquiétants, avec leurs déprimes, leurs blocages, leurs crises. C'est la nuit, j'ai le droit de tirer des conclusions par les cheveux d'un week-end simplement agréable, apaisant, réconfortant.

C'est la nuit, j'ai le temps. J'attrape la rêverie au passage d'un mail nocturne et doux-brumeux qui parle de peau et de vent.