5.8.08

#13 (un vieux truc)

(Un matin, je suis arrivée en retard au boulot, et on m’a demandé de chanter, en guise de gage.

Debout devant les autres, avec cette conscience du corps qui fait que vous ne le sentez pas. Je n’ai pas pu chanter. Je n’ai pas pu chanter “ma chanson préférée”( au royaume des salaires et des droits amputés les raccourcis vont bon train).

“Ma photo préférée” a été prise quand j’avais 4 ans. Je suis sur un petit vélo à roulettes, vêtue d’un horrible jogging vert, les cheveux déjà incoiffables. J’aimerais que pour toujours mon enfance me laisse ce goût-là, celui de la liberté du corps, celui des regards qui n’accrochent pas sur lui.

Une fois, quelqu’un qui voulait coucher avec moi m’a demandé quel rapport j’entretenais avec mon corps. Je venais de le rencontrer, il était sociologue ou du moins prétendait le devenir (le temps semble lui donner raison), j’étais littéraire tendance amoureuse échevelée, sa question m’a dérangée. Il trouvait que j’étais mal à l’aise, il avait raison, il disait on dirait que tu as peur de l’habiter, ce n’était pas faux. On a couché ensemble, il était impuissant, j’avais envie de lui, ce n’était pas mon “rapport au corps” qui posait problème.

Pourtant je me suis rendue compte que je ne pouvais pas chanter, là, devant les autres.

Que je ne pouvais pas donner ma voix, mes notes fausses.

J’ai vu un petit groupe de gens où chacun portait un mot, tous les mots formaient une phrase d’adieu. Un mec, face au groupe, riait en pleurant. Sur Videotape de Radiohead, c’était très beau de voir ca.

Voilà. C’était trop beau. C’était un clip esthétisant, c’était une scène de film, et moi : la spectatrice. Voilà : je ne touche pas. Je reste au bord. Je reste là et tout le monde bouge. Je regarde et je voudrais qu’on me dise : viens, viens dans notre image. Voilà : je ne touche pas, ne pas salir, ne pas être salie. Voilà : je ne parle pas, ne pas dévoiler, ne pas comprendre.
)


J'ai beau chercher, je ne vois que le mot d'inertie pour décrire l'état dans lequel je me trouve à chaque fois que je suis ici. Note pour plus tard : jamais, plus jamais plus de trois jours dans la maison familiale. Je citerais bien un peu de Barbara pour poétiser l'affaire, mais, vraiment, le coeur n'y est pas. (et voilà comment, sans que rien de particulier ne se passe, on ne peut même plus en appeler à la nostalgie)

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