15.7.08

#4 dormir (?)



Hier je suis rentrée dans le couloir du boulot avec ma clope, il était 8h02 et il a fallu 4 secondes pour que mon cerveau fasse la connexion avec la voix qui disait "hé toi là bas, mais qu'est-ce que tu fais?" (le grand chef en l'occurence, traduction approximative de l'américain made in je suis un allemand qui bosse pour une multinationale). En même temps, je jure, je m'étais rendue compte de rien, non plus quand ma tête a glissé sur la vitre du tram et que j'ai cru que ma dernière heure était arrivée (une fois de plus) juste parce que j'avais mal dans l'épaule gauche et que ça descendait dans le bras - tout le monde sait que c'est un signe avant-coureur d'un infarctus. C'était la lanière de mon sac. Je me cogne aux portes, c'est trop bien je suis transparente de fatigue, je suis : une héroine du quotidien.
Après on m'a dit : on va faire un deal, je te donne 100 euros et toi tu viens faire 15h de plus par semaine, facile, qu'en penses-tu? ... 42+12=57, même en Pologne ou en Roumanie ou en Inde, même pour des esclaves modernes, donc non, non merci, j'ai hésité un moment, et si je me suicidais pour la cause de la vente de billets d'avion, en fait, non. Alors "on" va perdre le contrat, EJ ira exploiter des jeunes gens plein d'avenir ailleurs, dans des pays où on ne dort jamais, nous allons tous perdre notre travail, tout sera de ma faute, juste parce que ça me fait flipper de connaître maintenant très exactement à partir de combien de cafés je tremble, à partir de combien d'heures j'ai les oreilles qui bourdonnent la nuit.

Ca devient complètement fou et quand j'arrive à sauver du temps de cerveau disponible je me dis qu'il y a matière à un bon article, à une enquête, voire, soyons fous, à une grève géante où on brancherait tous nos téléphones sur répondeur option "Enjoy the silence" by Terri Amos, on fumerait plein de clopes DEHORS et on squatterait 1h entière à la cantine que je n'ai jamais vue plus de 16 minutes d'affilée, et surtout, surtout, on corrigerait au marqueur noir cette pu*ain de faute qui s'étale en grosses lettres sur les murs orange : "passionné" (sic).

Mais c'est toujours la même histoire de lutte entre mon réveil et la tentation de la douceur à côté de moi certains matins, les larmes aux yeux à cause de la fatigue qui fait dire je reviendrai pas demain, et puis finalement, si, parce que what else? les quelques phrases entre deux portes qui font penser qu'il faudrait continuer la discussion avec lui, aller boire un café avec elle, fumer une clope sur un bout de trottoir avec un autre.

J'ai croisé quelqu'un qui connaît B. par exemple. Et j'ai envie de voir B. maintenant.

...

Il reste le dimanche. Le dimanche de la fête française quelque part dans Berlin, je me suis assise par terre avec lui et devant le spectacle de la beauferie expatriée on a fait ce qu'on préfère : râler. Râler avec le sourire, un verre de Kro (oui, carrément) dans la main, un dimanche après-midi, et dire "nous", ça c'est du romantisme. Je crois que c'est pour ça que les histoires "compliquées" ont été inventées, pour que les choses les plus banales du monde deviennent de petits miracles.

...

J'ai laissé traîner une feuille sur laquelle j'avais gribouillé ce qui me passait par la tête un autre dimanche. La feuille m'attendait, pliée en deux, hier soir, et je l'ai déchirée en petits morceaux avant de la jeter pour éviter d'être obligée de la relire. La feuille qui traînait sous le lit de celui dont elle parlait. Je ne suis pas morte de honte, je suis trop fatiguée pour ça, et, aux dernières nouvelles, l'intéressé n'a pas encore pris la fuite. Ce qui ne veut pas dire que je ne me sens pas horriblement mal. (j'ai beau chercher, je ne me souviens pas de ce qui me passait ce jour là par la tête mais aucun doute, le fait que quelqu'un lise ce que j'écris sur des feuilles volantes couchée un dimanche matin relève du cauchemar quoi qu'il en soit).

...

Dans exactement 15 jours je vais à Lyon pour la première fois de ma vie et je suis très contente.

(il faut que je dorme)

Aucun commentaire: